Vadian (SG)

Dans la communauté des monuments suisses, le monument Vadian jouit d’un privilège : il est connu, au moins de nom, d’une grande partie de « sa » population, les Saint-Galloises et Saint-Gallois. La raison n’en est pas sa personne, le réformateur Joachim Vadian, mais l’emplacement central de la statue sur la place du marché de Saint-Gall, sa taille (3,75 m) qui la rend inratable et, avant tout, son confortable socle. Autant de qualités qui font de la statue de Vadian un lieu de rendez-vous et de détente populaire des manifestants, des personnes en quête de soleil ou des noctambules. Lors de son inauguration le 7 juillet 1904, le public était bien moins varié : il ne comprenait aucun représentant officiel de l’Église catholique.

Le réformateur est restauré

En 2014, le réformateur de 2,5 tonnes s’offre une cure de jeunesse dans la fonderie d’art de Sittertal, où il est notamment décapité. Dans l’intervalle, « Der Läufer » (Le coureur), un petit homme fuyant en aluminium créé par l’artiste local Hans Thomann, réchauffe le piédestal. Pour sa part, le Vadian en bronze n’est pas une œuvre « locale » : suite à la décision, en 1889, de l’Association d’art et d’histoire d’ériger un monument, la commission d’art fédérale ne parvient pas à s’enthousiasmer pour un sculpteur saint-gallois et passe commande au Soleurois Richard Kissling (à qui on doit également le monument Tell à Altdorf). La statue est ensuite fondue à Paris.

Universitaire, médecin, homme politique, réformateur et voisin impopulaire

Le vrai Vadian quitte lui aussi sa ville natale à plusieurs reprises : le rejeton des von Watt, une famille de marchands influents de Saint-Gall, se forme aux savoirs universels humanistes à l’université de Vienne, qu’il dirige même pendant un temps en tant que recteur. Après son retour à Saint-Gall (1518), il s’installe comme médecin de la ville, puis s’engage en politique, et pour la Réforme en tant que bourgmestre (pendant 25 ans). Le prince-évêque catholique de la ville, son voisin direct, se réjouit peu de ce militantisme. Vadian semble également avoir été en mauvais termes avec ses voisins sur le plan privé – en 1544, il porte même plainte contre l’un d’entre eux.

Une conscience pas si tranquille ?

Récemment, des doutes ont été émis sur l’intégrité de l’humaniste (article dans Ostschweiz) : Vadian aurait entretenu une correspondance assidue avec Hieronymus Sailer, négociant de Saint-Gall qui a été l’un des premiers marchands d’esclaves. De surcroît, les activités commerciales à l’international de la famille von Watt pourraient les avoir mis d’une manière ou d’une autre en relation avec le commerce d’esclaves. Mais on ne dispose à ce jour d’aucune preuve étayée.