Dorothee Wyss (OW)

Elle porte un enfant dans ses bras, deux autres se tiennent à ses côtés et sont accrochés à ses jupons : c’est ainsi que Rolf Brem, un sculpteur lucernois, représente Dorothée de Flue. La statue se trouve à l’ombre du clocher de Sachseln et est une donation de l’Union des paysannes catholiques de Suisse.

D’une vie « normale » d’épouse et de mère…

Il n’existe que très peu de sources fiables sur la vie de Dorothée de Flue. Née vers 1430-1432 à Obwald, Dorothée Wyss épouse vers 1445-1446 Nicolas de Flue, paysan de Sachseln (Obwald). Le couple donne naissance à cinq filles et cinq fils. En sa qualité d’épouse et de mère, il revient à Dorothée de diriger le foyer, de s’occuper de la nourriture, des réserves, des vêtements et de l’éducation des enfants pendant que son mari a en charge la ferme et les champs.

… à la femme d’un ermite et mère célibataire

Poussé par une vision, le mari de Dorothée décide à son retour de pèlerinage en 1467 de construire une cabane non loin de sa maison, dans laquelle il veut désormais vivre en ermite. Dorothée lui donne son accord. Il abandonne ainsi sa famille et prend le nom de « frère Nicolas » (Bruder Klaus). Malgré son statut d’ermite, frère Nicolas continue à s’intéresser aux affaires « profanes » et joue même un rôle politique important : il assure une fonction de médiateur lors de la conclusion du convenant de Stans de 1481 (le traité des huit premiers cantons de la Confédération). Après le départ de son mari, Dorothée doit, avec ses enfants, s’occuper également de la ferme et des champs. Elle continue à avoir un rôle dans la vie de frère Nicolas : elle lui rend visite dans sa cabane et lui apporte à l’occasion de quoi nourrir ses visiteurs. Elle est présente lorsque frère Nicolas meurt en 1487. Elle-même décède probablement vers 1494-1495.

Sortir de l’ombre !

L’intérêt pour Dorothée de Flue, longtemps restée dans l’ombre de son célèbre mari, s’amplifie à partir des années 1980. Lors de sa visite sur la sépulture de frère Nicolas en 1984, le pape Jean-Paul II la qualifie de « sainte femme ». Cet intérêt repose essentiellement sur la conviction occidentale que les femmes et les hommes forgent et font ensemble l’histoire. Selon frère Nicolas, la séparation se fait en accord avec sa famille. Et sans le soutien de Dorothée, Nicolas n’aurait jamais pu mener la vie qu’il a menée. Mais on peut à bon droit se demander dans quelle mesure Dorothée a vraiment eu le choix : pouvait-elle – en tant que femme du XV^e siècle – refuser à son mari l’existence d’ermite à laquelle il aspirait ? Décrite comme extrêmement pieuse par son mari, il est tout aussi impossible de savoir si elle a pu ou voulu s’opposer à « l’appel de Dieu ». Il est en revanche incontestable qu’elle a agi de manière remarquable et fait preuve de beaucoup de force en tant que femme mariée, qui a dû cependant vivre et éduquer seule ses enfants.