David de Pury (NE)

David de Pury (NE):
L'hé­ri­tage contes­té de la ville de Neu­châ­tel

En sou­ve­nir… du com­mer­çant, en­tre­pre­neur et ban­quier neu­châ­te­lois David de Pury (1709-1786)

Pro­fil

Lieu:Place Pury, 2000 Neu­châ­tel (NE)
Type:En mé­moire de per­sonnes
Inau­gu­ra­tion:1855
Ma­té­riel:Bronze

À pro­pos du mo­nu­ment

David de Pury, de­ve­nu sujet bri­tan­nique, et pos­sé­dant un titre de no­blesse prus­sienne, meurt à Lis­bonne en 1786 à l’âge de 77 ans, sans en­fant. Bien qu’il ait passé la plus grande par­tie de sa vie à l’étran­ger, le ban­quier et né­go­ciant lègue la plus grande part de sa for­tune à sa ville na­tale, Neu­châ­tel. Avec la somme consi­dé­rable de plus de 300.000 cru­za­dos por­tu­gais (qui cor­res­pond au­jour­d’hui à env. 600 mil­lions de francs), la ville érige d’im­por­tants édi­fices dont des écoles et un hôtel de ville. En signe de re­con­nais­sance en­vers le bien­fai­teur de la ville, une sta­tue de bronze est inau­gu­rée en 1855 sur la place Pury, au centre de Neu­châ­tel. Plus de 150 ans plus tard, dans la nuit du di­manche au lundi 13 juillet 2020, la sta­tue de David de Pury est re­cou­verte de pein­ture rouge.

« Un mo­nu­ment pour les ré­sis­tant·e·s au co­lo­nia­lisme, pas pour les es­cla­va­gistes »

Bien avant l’été 2020, des voix cri­tiques ont remis en cause la nar­ra­tion du bien­fai­teur im­ma­cu­lée David de Pury, même sur le plan po­li­tique. En 1988, la « Liste libre » de­man­dait à la ville de Neu­châ­tel de créer un Fond de Pury qui ajou­te­rait chaque année 100'000 francs aux cré­dits dé­diés au dé­ve­lop­pe­ment du Centre et du Sud-​Ouest de l’Afrique, afin de com­pen­ser de façon sym­bo­lique l'im­pli­ca­tion de Pury dans la traite noire. La de­mande fut re­je­tée par la ville.

Les au­teur·e·s des coups de pein­ture ex­pliquent leur in­ter­ven­tion dans un com­mu­ni­qué de presse in­ti­tu­lé « At­taque contre la sta­tue de David de Pury. Un mo­nu­ment pour les ré­sis­tant·e·s au co­lo­nia­lisme, pas pour les es­cla­va­gistes ». Ils dé­clarent que le rouge sym­bo­lise le sang des es­claves sans qui Pury n’au­rait ja­mais fait for­tune. Ils exigent que la sta­tue soit re­ti­rée ou dé­pla­cée dans un musée – en conser­vant la pein­ture rouge sang. Bien que la sculp­ture ait été net­toyée le jour même, plu­sieurs mé­dias re­laient l’in­ter­ven­tion. 

En amont de cette ac­tion, un « col­lec­tif pour la mé­moire » lance en juin 2020 une pé­ti­tion en ligne qui ré­clame le  et son rem­pla­ce­ment par une plaque com­mé­mo­ra­tive « en hom­mage à toutes les per­sonnes ayant subi et su­bis­sant en­core au­jour­d’hui le ra­cisme et la su­pré­ma­tie blanche ». La pé­ti­tion ras­semble 2.500 si­gna­tures et est re­mise à la Ville de Neu­châ­tel. En août, une se­conde pé­ti­tion éma­nant d’un dé­pu­té PLR au Grand Conseil neu­châ­te­lois est re­mise à la chan­cel­le­rie com­mu­nale de Neu­châ­tel. Elle de­mande une plaque ex­pli­ca­tive à côté de la sta­tue « plu­tôt que l’éli­mi­na­tion des signes tan­gibles du passé ».

Mar­chand d’es­claves, pro­fi­teur d’es­claves – de l’er­go­tage ?

Outre la re­ven­di­ca­tion de re­ti­rer la sta­tue de l’es­pace pu­blic du centre-​ville, l’idée a aussi été émise de la confron­ter à une œuvre d’art, à tra­vers un concours ar­tis­tique. D'autres voix s'op­posent à toute mo­di­fi­ca­tion de la sta­tue, en cri­ti­quant que les ac­cu­sa­tions contre David de Pury ne se­raient pas assez fon­dées. Qu’en disent les his­to­rien·ne·s ? Tout en re­con­nais­sant l'im­pli­ca­tion de Pury dans le com­merce tri­an­gu­laire, ils  ne dis­posent pas de toutes les in­for­ma­tions pour es­ti­mer le part de celui-​ci dans sa for­tune. D’après l’état ac­tuel des connais­sances, il n’a ja­mais pra­ti­qué lui-​même le com­merce d’es­claves. Pury était en re­vanche for­te­ment im­pli­qué dans le com­merce de dia­mants et de bois noble bré­si­lien, ex­ploi­tés grâce au tra­vail des es­claves, et pos­sé­dait des ac­tions dans une so­cié­té­qui pra­ti­quait­la traite né­grière.

Après tout, les ac­tions ré­centes ne s'ins­crivent pas dans le but d'émettre un ju­ge­ment ju­ri­dique, voire his­to­rique sur David de Pury, mais de sor­tir de l'ombre les fa­cettes sombres de sa tra­jec­toire qui étaient long­temps oc­cul­tées par la vé­né­ra­tion du bien­fai­teur.

Les en­jeux mé­mo­riaux

La contro­verse au­tour David de Pury montre les en­jeux mé­mo­riaux sou­le­vés au ni­veau in­ter­na­tio­nal dans le sillage des ma­ni­fes­ta­tions « Black Lives Mat­ter » : les sta­tues pu­bliques, qui ont un lien avec le passé co­lo­nial, sont de­ve­nues un enjeu de luttes entre groupes so­ciaux. Les uns sou­lignent l’en­jeu mé­mo­riel lié à la pré­sence dans l’es­pace pu­blic de fi­gures em­blé­ma­tiques au­jour­d’hui de formes de dis­cri­mi­na­tion. D’autres dé­noncent une forme d’ana­chro­nisme dans la dé­non­cia­tion d’une ac­ti­vi­té, l’es­cla­vage et la traite des Noirs, consi­dé­rée comme lé­gale à l’époque.

Ré­fé­rences

Éva­lua­tions

50%
vou­draient lais­ser le mo­nu­ment tel quel.
50%
vou­draient mo­di­fier le mo­nu­ment.
Connu
Beau
Im­por­tant
Dis­cu­table

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Auteure Christina Graf
Chris­ti­na Graf
Com­mu­ni­ca­tion ASSH 
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