Johann Heinrich Pestalozzi (VD)

Johann Heinrich Pestalozzi (1746-1827) naît dans une famille fortunée de la bourgeoisie cultivée de Zurich. Philanthrope et pédagogue, réformateur social et philosophe politique de renommée nationale et internationale, il marque les décennies à la charnière des XVIII^e et XIX^e siècles, une époque appelée Sattelzeit. Il est aujourd’hui connu de la Russie au Brésil, du Mexique au Japon. De nombreuses rues et écoles, de même que des centres de recherche et de documentation portent son nom.

« Vivre comme des hommes » grâce à l’instruction

À l’initiative d’un ancien élève, une statue de Pestalozzi sculptée par Karl Alfred Lanz est érigée sur la place Pestalozzi d’Yverdon en 1890. Sur son socle est gravée la phrase : « J’ai vécu moi-même comme un mendiant pour apprendre à des mendiants à vivre comme des hommes. » La statue de Pestalozzi, accompagné d’un garçon à sa gauche et d’une fillette à sa droite, symbolise la fondation, en 1806 à Yverdon, du premier institut pour filles dans lequel on leur enseigne la même chose qu’aux garçons. Secondé par de nombreux collaborateurs, Pestalozzi dirige entre 1804 et 1825 un centre pédagogique de réputation internationale dans le château d’Yverdon. C’est là qu’il élabore et met en pratique son concept d’éducation élémentaire qui forme dans la même mesure « la tête » (intellectuelle), « le cœur » (moral et religieux) et « la main » (artisane).

« Expert de l’échec » – également comme père ?

À Birr, en Argovie, Pestalozzi est commémoré par un tombeau érigé en 1846. Après avoir interrompu ses études de théologie et de droit, puis suivi une formation d’agriculture, c’est à Birr qu’il fonde le Neuhof avec sa femme Anna Pestalozzi-Schulthess et l’aide de ses beaux-parents. Ils en font une exploitation agricole moderne et leur fils, baptisé Hans Jakob (Jacqueli) en hommage à Jean-Jacques Rousseau, y naît en 1770. À compter de 1774, le couple Pestalozzi accueille trois douzaines d’enfants qui sont éduqués et formés au travail proto-industriel. L’entreprise connaît des difficultés financières constantes jusqu’à la faillite en 1780. Deux experts de l’histoire de l’éducation écrivent en 2017 dans la Neue Zürcher Zeitung que Pestalozzi est « un expert de l’échec », notamment dans ses « entreprises paternelles ». 

Illuminé et penseur politique

Johann Heinrich Pestalozzi fréquente des cercles éclairés et cofonde à Zurich une section des Illuminés de Bavière en 1783, puis, en 1784, la Gesellschaft zur Aufnahme des Guten (Société de réception de la bonté). Il rédige à partir de 1780 les œuvres qui attireront l’attention nationale et internationale : l’Assemblée nationale française le nomme citoyen d’honneur en 1792. À l’époque de la République helvétique, il diffuse son programme pédagogique, notamment grâce à ses fonctions d’éducateur d’orphelins de guerre à Stans, de rédacteur de l’Helvetisches Volksblatt et par le truchement de la Société suisse pour l’éducation.

La « pédagogie tête, cœur et main » influence la Suisse jusqu’à aujourd’hui

De son vivant déjà, la pédagogie de Pestalozzi se répand de l’Europe à l’Amérique du Nord. Elle est importante, voire un pilier de l’État, pour la Suisse moderne, libérale et protestante qui investit résolument dans l’éducation : la pédagogie tête, cœur et main allie la pratique à la théorie, l’agriculture et l’artisanat à la bourgeoisie, la ville à la campagne. Le statut important accordé à la formation professionnelle en Suisse, un modèle aujourd’hui exporté, le faible taux d’universitaires en comparaison internationale et le scepticisme fondamental à l’égard des intellectuels peuvent s’analyser comme un legs de Pestalozzi.